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Interview

Claire Denis : «De telles histoires se traitent à l'aveugle, sans théorie»

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Claire Denis, auteure de «J'ai pas sommeil», inspiré de l'affaire Paulin:
publié le 8 décembre 2004 à 3h22

En attendant la sortie de l'Intrus, Claire Denis évoque le souvenir de son J'ai pas sommeil (1994), inspiré de l'affaire Paulin encore brûlante à l'époque.

Votre film s'appuyait sur un fait divers exceptionnel, l'affaire Thierry Paulin, «le tueur du XVIIIe arrondissement».

«On fait des films comme des navigateurs avec une vague idée de la route exacte à suivre. En chemin, des faits divers viennent au-devant de soi. Je ne suis pas un ramasse-miettes avide d'histoires à raconter et qui va puiser dans les journaux le truc saignant. Il y a dans cette quête quelque chose d'affreux car on se retrouve en train de coller à l'info. Au contraire, le fait divers doit résister à la première curiosité, s'accrocher dans un coin de ma tête pour prouver qu'il flotte dans la même eau que moi. Mais ça, je ne le sais pas au moment où je le lis dans le journal. On m'a proposé de réaliser la Fille de l'air d'après le fait divers (une femme fait évader son mari de prison par hélicoptère, ndlr). Le film était déjà écrit. Je n'étais plus devant un fait divers mais devant son interprétation. Cette histoire m'aurait attirée mais différemment. J'ai dit non et je suis restée avec cette frustration. Pendant que je tournais en rond, je me suis rendu compte qu'une histoire était rangée quelque part en moi et qui ne demandait qu'à jaillir : l'affaire Thierry Paulin que je ne connaissais que partiellement à travers sa mort, vécue comme un terrible effacement, cette fin terne et triste dans une chambre d'hôpit