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Libération
Critique

Hou va à Ozu via Tokyo

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Hommage décalé du Taïwanais avec «Café Lumière».
publié le 8 décembre 2004 à 3h23

Avoir des informations n'est pas forcément un privilège face à un film aussi sibyllin que Café Lumière. Il faut pourtant les faire circuler puisqu'elles définissent le projet : c'est un film d'hommage à Ozu que le grand studio japonais Shochiku a commandé au maître Hou Hsiao-Hsien, à l'occasion du centenaire de la naissance du considérable Yasujiro (12 décembre 1903-12 décembre 1963).

Cet hommage à Ozu, l'aurait-on, sincèrement, deviné ? Peut-être pas. Le contenu de cette commande, la façon dont Hou a choisi de la respecter en la détournant et ce qu'il invente pour l'incarner ne se prêtent en rien à l'exercice de comparaison, de citation ou de documentation qu'elle aurait pu supposer. Cette bifurcation se double d'une perturbation : le cinéma de Hou n'imite pas Ozu, il est pourtant méconnaissable. Il est comme vidé de sa substance soyeuse, de ses venins arachnéens. Café Lumière est en effet très lumineux mais jamais éblouissant, il est clair et serein, presque livide, sans qu'on puisse savoir s'il s'agit d'une adaptation de Hou aux exigences de la contrainte fixée ou d'une nouvelle marche, une nouvelle époque de son style.

Curieusement, la surface si lisse du film ne le prive pas d'une profondeur presque romantique : l'espace urbain est surinvesti par la modernité mais n'est pas désinvesti par les fantômes, que Hou prend tout le temps de laisser venir. On croirait même que l'héroïne Yoko ne fait que ça, les traquer, à sa manière douce, feutrée, mais fermement polarisée. Elle e