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Libération
Critique

Masumura, un Japon de sévices et de vice

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Réalisé en 1966, «Tatouage» est un concentré radical et corsé des obsessions d'un cinéaste à redécouvrir.
publié le 22 décembre 2004 à 3h35

C'est une araignée à tête de vampire humain, dont les pattes enserrent le dos, des épaules aux reins. C'est un tatouage qui marque la peau de marbre de la geisha Otsuya (la sublime Ayako Wakao) pour lui donner «les hommes en pâture»... et devenir, par son érotisme vénéneux, une pièce rare de notre boîte à fantasmes cinéphiles. Tatouage, qui sort enfin dans les salles françaises trente-huit ans après sa réalisation, est un concentré corsé des obsessions de Yasuzo Masumura (1924-1986). Sa filmographie est traversée d'inoubliables portraits de femmes qui parviennent à renverser sur le plan privé, et plus particulièrement sexuel, les rapports de soumission que leur impose une société japonaise ultramachiste. Mais au prix de quels sévices préalables...

Comme l'oeuvre littéraire de Tanizaki, dont Tatouage s'inspire, le cinéma de Masumura est fasciné par le sadomasochisme. Otsuya retourne la cruauté de la scarification en gémissements de plaisir et la douleur de la bastonnade en orgasme. Ses kimonos rouges et jaunes composent des taches de couleurs agressives dans un décor terne : des provocations féminines dans un monde masculin. Le commerçant, le maquereau, le samouraï, autant de figures archétypales de l'oppression nippone qui vont subir la vengeance de l'héroïne bafouée.

Dans la Femme de Seisaku, précédent bijou de Masumura sorti l'été dernier, le mélodrame apportait une (timide) lueur d'espoir. Tatouage se révèle bien plus radical, le cinéaste poussant ses choix stylistiques à l