Il y a deux films qui se baladent dans Rois & reine. Une histoire drôle, sinistre comme toutes les bonnes blagues. Une histoire triste, qui fait sourire quand elle devient trop cafardeuse. L'histoire d'Ismaël (Mathieu Amalric, au meilleur de lui-même), homme un rien suicidaire et addict au port de la cape de d'Artagnan en plein jour, que sa soeur chérie (Noémie Lvovsky), cette salope, fait enfermer dans un hôpital psychiatrique. L'histoire de Nora (Emmanuelle Devos, extra dans l'ordinaire), une femme raisonnable qui, en attendant de se marier avec un homme riche, beau, bon et donc un peu con (Olivier Rabourdin), vient à Grenoble visiter son vieux papa (Maurice Garrel), brillant professeur de lettres classiques qui va se révéler d'une cruauté virtuose au moment de mourir.
Mise en miroir. Mais cet homme et cette femme ne font pas que se balader, ils font la paire. Nora et Ismaël autrefois se sont aimés. De disjonction en conjonction, ils pourraient se remettre ensemble, à moins que non, merci. D'autant que, tel un saint esprit, flotte sur leur tête l'hypothèque d'une adoption. Elias, le petit garçon que Nora a eu avec Pierre, un autre amant, et dont elle aimerait bien qu'Ismaël se charge. Vaudeville chez les Shakespeare ? Larmes assurées ? Fou rire sur option ? Rois & reine vaut beaucoup mieux que ça.
Desplechin parle de film «en regard». Ce qu'on peut prendre avec tout le tintouin de mise en miroir-mise en abîme, quand le visage de Nora se reflète dans une photo d'elle enfant.