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Libération
Interview

«Je ne sais toujours pas pourquoi on nous a arrachées à notre mère»

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publié le 5 janvier 2005 à 23h25

Inspiratrice et protagoniste principale du film, Sally Tisiga, 44 ans, a été enlevée à sa mère et à sa communauté ­ le clan du loup dans la nation Kaska ­ à 4 ans. Elle avait plus de 30 ans quand elle est revenue pour la première fois dans son village, en quête d'elle-même. C'est là qu'elle a commencé à raconter son histoire aux deux réalisatrices. Aujourd'hui, Sally Tisiga travaille pour une ONG de défense des «First Nations» et vit à White Horse dans le Yukon. Rencontre à Paris.

Le récit de votre enlèvement revient dans le film comme une image obsédante.

J'ai été «enlevée» à ma mère quand j'avais 4 ans. Mes soeurs aussi. J'ai d'abord été placée dans une famille d'accueil. Ça s'est très mal passé. J'ai été victime d'abus sexuels et j'ai cessé de parler. Mon mutisme a décidé les travailleurs sociaux à trouver un nouveau placement. Entre 5 et 18 ans, j'ai été placée cinq fois, dont deux dans des foyers. C'est très perturbant de changer de nom de famille aussi souvent, de changer de maison. Peut-être est-ce pour cela que j'ai toujours du mal à m'installer. Dans ma vie, j'ai déménagé vingt-six fois. Même adulte, avec mes enfants, je n'arrivais pas à me poser.

Quand a commencé cette politique d'assimilation ?

Plusieurs générations ont été brisées par cette politique. Dès 1888, au Canada, les enfants indiens ont été retirés à leurs familles et placés dans des pensionnats, où on leur interdisait de parler leur langue, de voir leurs parents. Ces pensionnats où de nombreux enfants ont s