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Critique

La Corée dans le coup

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La Cinémathèque consacre une rétrospective en cinquante films à un cinéma rescapé de la guerre, la dictature, la censure... et depuis dix ans d'une étonnante vitalité, tant économique qu'esthétique.
publié le 19 janvier 2005 à 23h44

On ne connaît pas vraiment le fin mot de l'histoire. Un beau jour, Shin Sang-ok, «prince» du cinéma coréen des années 50-60, réalisateur-producteur prolixe, en prend un peu trop à son aise avec la censure et se retrouve interdit d'activité. Là-dessus, tombé dans un guet-apens avec sa femme, il est fait prisonnier en 1968 par la Corée du Nord du dictateur Kim Il-sung et de son fils cinéphile (ça ne s'invente pas). Après quelques années d'emprisonnement, il accepte de tourner quelques films pour le régime stalinien. Huit ans plus tard, le couple réussit à s'évader lors d'un voyage à Vienne, et vit actuellement aux Etats-Unis. A Séoul, certains doutent encore de la thèse de l'enlèvement, insinuant que le cinéaste est volontairement passé à l'ennemi frère. L'infortuné destin de Shin Sang-ok résume la dimension de farce tragique que revêt souvent le drame de la Corée et explique certains aspects de son cinéma contemporain, où l'outrance et l'humour dessinent d'inquiétantes figures macabres.

(R)évolution

Shin Sang-ok est l'une des figures marquantes de la rétrospective (grands classiques, films de genre ou d'auteur) organisée par la Cinémathèque et qui, douze ans après celle de Beaubourg, permet d'évaluer le chemin parcouru. D'objet bizarre pour cinéphiles masochistes, le cinéma coréen a acquis, grâce à une vitalité et une prospérité enviées (110 millions d'entrées en 2003, la part de marché du cinéma national dépassant les 50 %), le statut de cinématographie admirée, aussi bien en