Tourné en plein Tennessee, en quelques courtes semaines, dans une ambiance que l'intéressée elle-même qualifie d'«odieuse», dirigé dans un état de paranoïa avancée et entraînant sa cinéaste/actrice vers une schizophrénie temporaire, le Livre de Jérémie n'a pas le temps de mentir : c'est le film d'une fille qui s'empare du récit le plus difficile qui soit en décidant de s'infliger plus de mal que le monde nous en réserve déjà.
L'histoire est celle de J.T. Leroy, écrivain, travesti, scénariste du Elephant de Gus Van Sant, dont c'est là l'adaptation du second roman, The Heart Is Deceitful Above All Things, texte-saccage de l'autofiction. La vie de l'enfant Leroy et de sa mère Sarah y est une suite de portes plantées dans le couloir des enfers et qui ne donneraient que sur la folie, la dope, la prostitution, le viol, la reconstruction de soi à travers le transformisme ou le plongeon aveugle dans le sillon du pire (toujours à venir). Asia Argento, elle-même jeune maman au moment de se lancer à corps perdu dans ce projet, résolue à incarner la mère indigne et inexcusable, dit ne pas savoir par ce qui, intérieurement, la motivait à aller se risquer si loin dans cette zone white trash de la psyché américaine, sinon l'horizon suicidaire de vouloir s'y brûler les ailes.
A l'arrivée, le film est un brûlot, gorgé d'acide chlorhydrique, d'alcool à 90°, de substances, de chairs et de cris, un équivalent visuel à l'aventure alternative que procurent certains disques limites (les caméos de Ly