Il suffit d'une séquence pour qu'un spectateur comprenne qu'un film a de fortes chances d'emporter le morceau. Merveille de Prendre femme : cette scène est la première du film. Elle dit tout (Israël des années 70, avec déco psyché et hommes en manches de chemise relevées, le couple moderne, donc en crise, le poids lourd de la famille), pose immédiatement les marques formelles (l'oeil ne quittera jamais cette femme qui dévisage la caméra fièrement) et donne à voir ces variations dans le regard de Ronit Elkabetz qui porteront, par vagues ou impulsions, l'humeur versatile du film. Entre la fermeté féministe militante (faire enfin comprendre à son mari qu'il y a une vie après la cuisine et les langes) et l'éclaircie mélo (dans le suspense d'une journée, elle renoue avec une aventure d'autrefois Gilbert Melki, parfait comme toujours revenue à elle comme une promesse d'éternité).
Sensualité. Force d'une actrice d'exception : Ronit Elkabetz, qui fume des cigarettes comme personne (pas même une condamnée), joue cette femme réchappée du cinéma de Cassavetes, essentiellement avec les yeux. Imposant à ses traits une fermeté imprenable, elle est capable d'en rompre l'autorité pour s'ouvrir sur des bouffées de sensualité. Figure incontournable du cinéma israélien, Ronit Elkabetz n'est plus une inconnue en France : elle était déjà, il y a deux mois, Ruthie, la mère pute d'Or, dans Mon Trésor, l'extraordinaire film de Keren Yedaya. D'autres l'avaient repérée dans Origine contrôlée.
Prend