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Libération
Critique

Enfance entre rires et armes

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publié le 9 février 2005 à 0h27

Alors que le Liberia, en octobre 2003, sort de quatorze ans de guerre civile et que Monrovia, sa capitale, est une ville dévastée sous contrôle des forces de l'ONU, François Margolin parcourt le pays, caméra à l'épaule, à la rencontre de bandes de garçons et de filles, rieurs et frimeurs, esquissant des pas de danse, mâchant et parlant comme des Blacks américains. Sauf que ce sont des «petits soldats», enfants surarmés qui se battent pour quelques chefs de guerre plus âgés. Là où les check-points abondent et le racket prospère, ce sont ces enfants-soldats qui contrôlent, discutent, tirent parfois. Les villages sont vidés de leurs adultes, et ils sont les rois, font la loi, paradent avec kalachnikovs et lance-roquettes, font les fiers, se jaugent, tendus entre éclats de rire et rafales de violence, se vantent d'être celui qui aura tué le plus.

Margolin, formé à l'école Depardon, va sur le terrain, et fait parler frontalement, sans détour, posant lui-même les questions, prudent mais sans échappatoire. Il avait déjà suivi la route de l'opium des talibans, en Afghanistan, voici trois ans, selon une identique méthode. Là, ce sont les enfants qui répondent, ce qui n'est jamais neutre quand se mêlent d'immenses sourires, des mots qui fusent, et des armes, souvent pointées vers la caméra, qui pourraient déchiqueter n'importe qui à cent mètres. «Ton nom ?», «Ton nom de guerre ?», «Tu as déjà tué des gens ?», «Combien ?», «Pour qui combats-tu ?», «Qui combats-tu ?»... Les enfants, de 1