Le mari sort son flingue et le pose sur la tempe de sa femme avant de tirer. Il le retourne vers lui et s'achève sous le regard de sa petite fille. Cette scène finale aurait pu clore un mélo européen. Pour renforcer son caractère turc, Yavuz Turgul (auteur de l'excellent le Bandit en 1996), a ajouté un élément : lorsque le mari pointe son arme, sa dulcinée chantait de sa voix vibrante un air de l'Anatolie profonde.
Dilemme. Gönül Yarasi est un film musical, ou de musiques au pluriel, car il montre comment accepter une identité multiple et traditionnelle au moment où la Turquie croit avancer d'un unique pas vers l'Europe. Ainsi, dans une taverne, on découvre un chanteur kurde de l'extrême est du pays, Agnur Dogan, et l'on peut imaginer la petite révolution que cela représente à Istanbul. Yavuz Turgul nous propose une autre vision de la Turquie, tendue entre son propre Orient et son aspiration européenne.
Les trois personnages centraux décident de faire, au même moment, le voyage vers la capitale, et le film croise ces trois destins. Un vieil instituteur, interprété avec une justesse nonchalante par Sener Sen, qui explique à ses élèves d'un village des montagnes kurdes pourquoi, avec son départ à la retraite, il s'en va vers l'ouest rejoindre son fils aîné devenu directeur d'un grand magasin d'électroménager. Nazim incarne, lui, la fonction publique et son désir de modernité, avec sa fille, incrustée dans les milieux du nouveau capitalisme turc dans l'espoir de dénicher un mari