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Libération
Critique

La poésie du champ de mines

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Un regard vif, sans sensiblerie, posé sur les enfants mutilés d'un camp de réfugiés kurdes.
publié le 23 février 2005 à 0h42

C'est un village en Orient. Des enfants jouent dans un champ. Des adultes installent des antennes de télévision sur une colline. Le pittoresque est là, la comédie aussi, puisque le réglage des antennes vire au spaghetti de câbles. Mais le diaporama et le sourire s'évaporent, asséchés par une image brûlante : ce champ est un champ de mines. Les enfants sont employés à débarrasser le sol de ces engins de mort. Le village est un camp de réfugiés kurdes à la frontière de l'Irak et de la Turquie. Et si les adultes sont si impatients que la télé fonctionne, c'est que la rumeur colporte que les Américains vont envahir l'Irak.

Zébulon. L'effet sidérant du film est qu'on s'accoutume à ces horreurs par un effet d'osmose, puisque la guerre et ses épouvantes semblent un microcosme ambiant, presque une odeur ordinaire. Cela passe par les enfants mais sans chantage au gnangnan. Dans ce film par-delà le bien et le mal, les enfants ne sont pas des otages de notre compassion. Affectés dans leur corps (aveugles, amputés, mutilés), prématurément maturés par les circonstances (violée à 11 ans, maman à 12, chef de famille ou de gang à 14), ils demeurent habités par leur enfance, sorte d'innocence coupable qui leur donne des idées étranges, des fous rires bizarres comme autant d'envie de vivre par-dessus tout.

Ainsi du jeune Kak Satellite, surnom inspiré par son habileté dans le négoce des antennes paraboliques et sa façon de jeter des morceaux d'anglais au visage de ses acolytes. Une sorte de Zébu