Kisumu envoyé spécial
Il ne reste que la tête, l'arête et la queue. Un peu de chair rose aussi, dont les éclats volent au visage de Pauline Ochien'g. «Il m'en faut deux cents», crie-t-elle. Tôt ce matin, Pauline est venue remplir sa charrette de restes de perches du Nil jetés d'un camion passablement réfrigéré de l'usine de transformation de poisson de la ville.
Avec les dizaines d'autres membres de sa communauté des «sécheurs de poissons d'Obunga», un bidonville planté en bord de la zone industrielle de Kisumu, Pauline va passer sa journée à sécher, découper et frire des squelettes de perches pour les vendre en bord de route, cinq ou six centimes d'euro pièce, à d'autres miséreux n'ayant pas les moyens de se payer les filets destinés à l'exportation. «C'est dommage que, après dix ans d'école, je sois réduite à faire ce travail, estime Karen Onyango, une de ses voisines. Mais c'est très rentable. Ça nourrit bien nos familles.»
Légendes. La récup' d'arêtes s'est transformée en une activité commune également en Ouganda et en Tanzanie, les autres pays limitrophes du plus grand lac d'Afrique, parallèlement au boom de l'exportation des filets de perche. Même pour les classes moyennes du bord du lac, manger un poisson entier est un luxe. De plus, les habitants n'ont jamais trop apprécié la perche du Nil. Des légendes de perches mangeuses d'hommes circulent dans les villages de pêcheurs. Mais les alternatives populaires, comme le tilapia et le dagaa, sont devenues plus rares et chères