Il sera difficile, après avoir vu le Cauchemar de Darwin, d'avaler un morceau de perche du Nil sans qu'une arête coince... A partir de la chair blanche de ce poisson pêché dans le lac Victoria et prisé en Occident, le réalisateur déroule l'enchaînement des «dommages collatéraux» provoqués par l'exploitation intensive d'une richesse naturelle dans un pays pauvre, en Afrique ou ailleurs. Hubert Sauper y tient : il aurait pu réaliser ce film autour des diamants de Sierra Leone, du pétrole d'Angola... Il n'a fait que tourner dans une ville comme il en existe des centaines... Pour en tirer un film noir et saisissant.
Mwanza, 500 000 habitants, rive du lac Victoria en Tanzanie. La perche du Nil y a été introduite dans les années 60, et une industrie de la pêche a prospéré autour de ce gros poisson dont toute la région est devenue dépendante. Dix usines exportent chaque jour des tonnes de filets frais, notamment vers l'Europe. En France, 2 267 tonnes de filets de perches du Nil ont envahi les rayons poissonnerie de nos supermarchés en 2004, le double de l'année précédente. Ce qui représente 9 millions d'euros de revenus pour la Tanzanie. Peu profitent de cette manne, pour une majorité qui subit les effets pervers de ce développement : les avions russes qui transportent les poissons apportent également des armes pour les pays voisins, les prostituées occupent les pilotes russes, les paysans quittent leurs terres pour s'installer sur les rives du lac, le sida fait des ravages, les enf