Nous sommes en France en mars 2005 et on aimerait avoir le recul et le décalage horaire (voire le sachet pour vomir) d'un étranger cinéphile qui débarquerait ici depuis deux semaines et verrait ce qui nous est infligé au quotidien. Une profession qui vit comme une honte nationale doublée d'un accident industriel le fait qu'une chose aussi rance que les Choristes n'ait pas raflé césars et oscars, un Gérard Jugnot omniprésent sur les plateaux télé, vendu comme un reflet possible de chacun d'entre nous (on croit s'étrangler), dans un grand glissement sémantique qui transforme dangereusement le populisme en populaire.
Pourtant, populiste, Jugnot (l'acteur, le réalisateur) l'est, par tous les pores, et sans plus aucun humour. Il faut le lire, dans Télérama, ne pas se moucher avec le coude en balançant une énormité de taille : «Boudu sauvé des eaux est un Renoir mineur» (raison : parce qu'initié par Michel Simon). Ce qui en dit long sur son imaginaire cinéphile : un film est majeur dès lors que son cinéaste en porte le projet de A à Z, étrange effet pervers de la sacro-sainte politique des auteurs. La question de la mise en scène, bizarrement, est absente de son argument. Mais comme elle est aussi la grande absente de son remake, il faudra y voir une cohérence supplémentaire.
Embourgeoisement. Oh ! saint Jugnot, comédien et martyr, cinéaste et martyr, les intellos ne t'aiment pas (les intellos sont des salauds, les intellos ont des têtes de veau), et d'ailleurs ils n'aiment personne