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Libération

La trinité de Bresson

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Reprise en salles de trois de ses oeuvres, qui attestent son cheminement spirituel.
publié le 23 mars 2005 à 1h06

Trois Bresson ressortent en salle, dans des copies impeccables, restaurées en vue d'une sortie DVD. Trois Bresson, c'est trois raisons de se réjouir. Parcours.

«Pickpocket» (1959)

Premier Bresson à ne pas être une adaptation, Pickpocket est néanmoins un emprunt, à même la poche, au Crime et châtiment de Dostoïevski. Michel, son héros, sorte de Raskolnikov du Paris des années 50, y vole par tension érotique, nécessité de vertige, dépassement de l'être. Le crime n'est plus, pour lui, que le chemin solitaire à emprunter avant d'avoir la révélation de l'existence de l'autre. Michel aimera Jeanne, la jeune fille qui s'occupe de sa mère, comme Raskolnikov se prosternait devant Sonia. Avec la même rage mystique du croyant devant l'apparition d'une sainte. Pickpocket est le récit d'une rédemption. Bresson n'a jamais caché sa foi, et Pickpocket est l'oeuvre où une illumination est encore possible. Son cinéma, bientôt, se fera pessimiste. Pour l'heure, c'est encore un film entre deux, dont le titre premier était Incertitudes.

Quarante-cinq ans après sa sortie, les partis pris esthétiques de ce manifeste sec restent d'une puissance inédite, sa modernité réfractaire conservant une colère intacte : jeux atonaux des «modèles» (terme que Robert Bresson préférait à celui d'acteurs), montage elliptique, empressé, espaces ciselés à la dague, fragments plutôt qu'ensemble. A l'image, les effets précèdent toujours la cause. La distribution inattendue des regards donne aux personnages l'impression z