Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka a rendez-vous à Paris. Il doit rencontrer le journaliste Philippe Bernier et le cinéaste Georges Franju, qui préparent un film sur la décolonisation. A peine arrive-t-il à la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, que deux policiers, Louis Souchon et Roger Voitot, l'interpellent et le somment de monter dans une Peugeot 403. La voiture gagne l'Essonne et s'arrête devant la maison de Georges Boucheseiche, un petit caïd du milieu parisien. Là se perd la trace de Mehdi Ben Barka, militant nationaliste marocain en exil en France, dirigeant de l'Union nationale des forces populaires, le principal parti d'opposition au roi Hassan II, et condamné à mort au Maroc pour activisme politique. Trente ans plus tard, un ancien agent spécial marocain confie avoir, à la même époque, commandé à une entreprise de chaudronnerie de Casablanca la fabrication d'une cuve «en acier inoxydable, d'une épaisseur de 5 millimètres, d'un diamètre de 2,50 mètres et d'une hauteur de 1,50 mètre». La cuve aurait servi à dissoudre le corps du dissident dans un bain d'acide.
L'affaire Ben Barka révèle la part d'ombre de ces années, de la fin de la guerre d'Algérie à Mai 68, celles des coups tordus du Service d'action civique (SAC) et des barbouzes, de la pègre s'installant sur les ruines de la Libération, d'anciens nazis ou collabos soudainement repentis, celles encore, selon Serge Le Péron, «où de Gaulle semblait pour l'éternité sur un trône qui soudain vacilla».
Pour le réal