On peut voir The Taste of Tea comme un écho japonais fraternel à la Vie aquatique américaine de Wes Anderson (Libération du 9 mars), soit deux tentatives d'exploration comique de l'individualité moderne, du côté du rapport au collectif (famille, amis, collègues de travail), à l'environnement (entre perdition et entropie) et sous le signe d'un destin d'humanoïde hébété, que l'on reconnaît. Pour compléter cette «triade existentielle» récente, il faudrait ajouter le cas Desplechin, creusant chez nous les mêmes questions mais avec les instruments de la psychologie
et du ressentiment narcissique-agressif dans son Rois et reine .
Univers à 2D. The Taste of Tea fut présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes l'an dernier. Ce n'était probablement pas le moment idéal pour jeter les feux de la rampe sur ce film de près de deux heures et demie parfaitement atypique et qui, d'ailleurs, est passé relativement inaperçu. Même un an après et revu à froid en projection de presse parisienne, ce troisième long métrage de Katsuhito Ishii continue d'agir comme un tonique euphorisant. Telle cette première image, ouvrant le ban au ralenti, d'un ado qui bondit par-dessus la caméra, le film se soustrait aux lois de la gravité en même temps qu'il défie les règles de la profondeur. Ici, tout semble s'accomplir sur la surface heureuse d'un univers à deux dimensions peuplé d'une multitude de signes, découpé en cases géométriques, se développant à l'intérieur d'un présent perpétuel étra