Jérôme Bonnell est un cas à part dans le paysage cinématographique français : son cinéma fonctionne en autarcie, protégé par une troupe d'acteurs (tous très bons) qui lui tient à la fois de rempart et d'alter ego. La fidélité on peut aller jusqu'à parler de fusion qui le lie depuis ses courts métrages et son premier long, le beau Chignon d'Olga, à Nathalie Boutefeu et à Marc Citti fournit une fois de plus la première force et l'essence étrange qui permet aux Yeux clairs de se distinguer du tout-venant de la production. Mais surprise ! On retrouve par on ne sait quel mystère de coproduction, et en dépit d'un budget ric-rac, ce film au catalogue d'Europa Corp. de Luc Besson...
Il règne entre les plans des Yeux clairs un régime de silence, de retenue, une osmose sombre qui n'aurait jamais pu être atteinte sans que fonctionne à plein l'entente de ce collectif informel. Elle a permis d'ores et déjà à Bonnell d'éviter, sur un sujet qui lui en tendait le piège (la pathologie mentale, le sentiment douloureux d'être différent), une hystérie qui l'aurait foutu en l'air.
Mais il n'est pas impossible qu'à maintenir ainsi sa création dans une bulle protectrice Bonnell ne rencontre pas bientôt ses propres limites. Comme il n'est pas impossible non plus qu'il en soit le premier conscient : il ne dit pas autre chose en racontant la sensation d'étouffement qui saisit à chaque instant Fanny, fille différente, pas regardée, pas écoutée, pas prise en compte, abandonnant la maison qu'elle part