Eric Khoo est un parfait inconnu en France. La patrie (Singapour) où il a déjà tourné deux films ne nous envoie plus depuis longtemps de nouvelles cinématographiques, et on se demande bien où les sélectionneurs de la Quinzaine sont allés dénicher pareil ovni, surgissant sans crier gare comme un long clip expérimental sur les «formes-écrans» qui ont pris possession du monde en cinq ans (téléphonie mobile, ordinateurs, Web, autant de nouveaux papiers à lettres).
Be with me embrasse trois histoires de coeurs pincés à la fois, sans prononcer plus de dix lignes de dialogue. Une fille de 15 ans est amoureuse folle de sa meilleure copine de classe qui, le comprenant, fuit, apeurée d'avoir à affronter un au-delà de l'amitié qu'elle ne connaît pas encore. Un agent de sécurité suit, telle une caméra de surveillance énamourée, les déplacements d'une femme trop élégante pour lui. Un vieil homme blotti dans son commerce, résigné à attendre la mort avec solitude, renaît en lisant l'autobiographie de Theresa Chan, sexagénaire sourde et aveugle, parangon d'humanisme et de détermination. Elle est le seul personnage réel de ce film couleur rose bonbon futuriste, roman-photo mutant, délirant à tous crins, maniant l'amour postmoderne à grands coups de SMS. Voici le temps des coeurs numériques où, pour ne plus aimer quelqu'un, il suffit d'effacer un à un les messages désespérés qu'il vous envoie sur votre mobile.
Tous les êtres ici sont des amants déchirés et des handicapés sentimentaux, et l'hori