A priori, ce n'est pas forcément une bonne idée que les écrivains changent de métier pour adapter au cinéma leur propre roman, le voyage d'une imagination à l'autre pouvant engendrer pas mal de déficits. Pour la Moustache, roman et désormais film d'Emmanuel Carrère, l'examen de passage est plutôt réussi.
Entre le roman et le film, Carrère a eu la bonne idée d'augmenter le personnage féminin qui, du coup, change la nature du propos. Roman d'un homme seul, la Moustache est devenue un film de couple. Et quel couple ! Emanuelle Devos (Agnès) et Vincent Lindon (Marc) font la paire. Elle, tout à fait bien dans le rôle ingrat de celle qui observe et subit, lui complètement formidable, dans sa tragédie d'un homme d'abord ridicule et abattu, puis peu à peu redressé.
L'argument est simple, presque un «grotesque» au sens ornemental : un sujet fantastique en tout cas, puisque Marc, à cet instant de solitude que connaît tout homme se rasant face à un miroir, décide de supprimer sa conséquente moustache. Petite cause et énorme effet. Ses proches n'y voient que du feu et s'obstinent à nier toute différence entre l'avant et l'après. Le moustachicide commence à se demander si ce n'est pas lui qui se met à confondre les évidences. Sa vie, dès lors, devient infernale. Jusqu'à ce qu'il tente de la refaire au plus loin de l'ailleurs, où le réel l'attend en embuscade.
L'intérêt, classique mais efficace, du film, c'est que le spectateur est dans la position du détenteur de vérité, celui qui a une lon