Ousmane Sembene a appris le cinéma à «40 ans bien sonnés». Ce n'est pas parce qu'il atteint à peine 82 balais qu'il va nous donner des leçons. Hier, le festival l'invitait à en prodiguer une, pourtant, et ça le mettait mal à l'aise : «Comment, à mes cousins français, qui ont l'habitude de donner tant de leçons, je pourrais leur en donner ? Des leçons de quoi ?» Enfin, bien content d'être là quand même. Ousmane est son prénom, Sembene son nom, c'est un homme nécessaire, parce que pas suffisant. Il a gagné le titre de doyen du cinéma africain (1), il savoure le moment. Et il a apporté des anecdotes, une pleine pirogue, qu'il a garée dans la rade de Cannes, à côté des gros yachts.
A 5 ans, il commence à voir des films à Ziguinchor (Casamance), avec le «double écran» : du bon côté, les toubabs (blancs) et les «aisés» ; derrière, «au poulailler, les indigènes». Il grandit dans la brousse. Entre 1939 et 1945, il est en France, dans l'armée, un soldat blanc lui demande de lui écrire une lettre. «Je regarde ses mains. Il n'est pas manchot ! Mais non. Il ne sait pas écrire. Un coup de massue pour moi. J'étais si ignorant. Je croyais que les Blancs naissaient avec l'écriture. Comme dans Hampaté Bâ, quand Amkoullel se demande si le commandant fait caca.»
En 1968, il vient de projeter le Mandat au Cameroun, un commissaire de police l'attend à l'hôtel. «Zut, j'ai dû faire quelque chose de grave. J'ai légèrement la frousse. Je lui propose une bière. Il me dit : "Non, c'est moi qui paye." Ah