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Libération
Critique

Aoyama, futur d'outre-son

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publié le 18 mai 2005 à 2h13

Personne ne semble au courant, mais Shinji Aoyama est l'un des plus grands cinéastes en activité. Hélas pour le jeune Japonais (40 ans), Eureka, l'opus fleuve qui l'a fait connaître comme un parangon du postcinéma, esthète blessé d'un art mélancolique hanté par la catastrophe, a déjà cinq ans d'âge. Et les années qui ont suivi sa révélation n'ont pas été de tout repos : en 2001, Desert Moon, cri de rage froide, a marqué une cassure totale avec le public, y compris parmi son quota de fans. Et pour ne pas rouiller, Aoyama a signé en 2002 un film de genre en chemises, la Forêt sans nom, d'assez bonne facture mais sans commune mesure avec les visions qui le hantent.

Sens en morceaux. Eli, Eli, Lema Sabachtani ? n'est pas pour Aoyama un exercice supplémentaire. C'est ­ et en cela réside sa force sidérante, sa liberté sonique ­ le film de quelqu'un qui ne fait que ce qu'il entend, sans compromission aucune, option tout ou rien. Il faut aller chercher assez loin dans les notes du catalogue une traduction à ce titre en forme de strophe, pour finalement tomber des nues sur, tiens donc, un verset du Nouveau Testament : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?» Ni plus ni moins que le cri d'agonie prononcé par le Christ sur la Croix. Désespoir de l'artiste devant les forces qui viennent à manquer, pessimisme contagieux, ce titre renseigne sur l'état mental de son auteur : se vivant à la fois comme un crucifié et un pénitent libéré soumis au défi de réinventer l'envie. Pour pouv