Sur le port de Cannes, le festival a installé son atelier. Dix-huit cinéastes en bleu de travail, manches retroussées, y attendent des producteurs qui les aident à boucler leurs projets. «Des choses se concrétisent ici, de l'argent qui entre, des nouveaux partenaires, raconte le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, qui prépare Daratt, une histoire de vengeance à N'Djamena. Généralement, c'est moi qui cours après les producteurs. Là, c'est l'inverse. Un luxe incroyable que tous les réalisateurs aimeraient connaître, même s'il ne dure que quelques jours.»
Il y a là Aïda Begic, bosniaque de 29 ans, beau sourire et fichu sur la tête. Aïda veut faire Snow, l'histoire d'un village dévasté par la guerre en Bosnie, où n'habitent plus que dix femmes, un vieil homme et un garçon. Deux businessmen leur proposent de l'argent s'ils acceptent de quitter le village et de laisser place nette, afin qu'ils y réalisent un programme immobilier. Sauver sa vie, détruire son âme ? Avec Snow, Aïda veut parler de la guerre en Bosnie, précisément pour contredire ceux qui lui lancent : «Ne parle pas de la guerre et tu pourras vivre en paix.» Aïda est venue de Sarajevo avec sa productrice et elles attendent les sous : un million d'euros. Elles en ont récolté 20 % en Bosnie, le reste ne peut venir que d'ailleurs. «Cannes est la meilleure place dans le monde pour rencontrer des gens», disent-elles.
A la table d'à côté, le Français David Lambert, 37 ans, veut faire Prisonnière, sur une enfance dévastée par l'ince