Qu'est-ce qu'un pays ? Un Etat, une nation, un sol, une patrie ? Rien de tout cela, songe-t-on au sortir de Seven Invisible Men, dernier film de l'aphasique, mélancolique, et sensuel Lituanien Sharunas Bartas. Dans le sens commun, la notion de pays s'enchâsse entre les frontières de la géographie politique qui évoluent au gré de l'histoire, comme les événements contemporains ne cessent de le démontrer (Allemagne, Yougoslavie, etc.). Au cinéma, et particulièrement dans l'univers de Bartas, un pays est un territoire personnel dont les tracés échappent à la logique douanière et la dépassent. Ainsi, le vrai pays de Bartas n'est pas celui où il vit aujourd'hui, cette petite Lituanie dont il est officiellement un ressortissant. Son pays est resté celui où il est né, l'immense URSS dont la Lituanie n'était alors qu'une province confetti.
Mercedes volée. Ce vaste pays mental, Bartas n'a cessé de l'arpenter au fil de ses films, de la Sibérie à la Russie, de la mer Baltique à la Caspienne. Cette fois, c'est en Crimée qu'il nous emporte, au terme d'un long voyage dans une vieille Mercedes volée. Nous traversons d'abord mille plateaux, nous empruntons mille chemins défoncés, nous filons sous mille cieux crépusculaires et nébuleux et puis nous arrivons là, à ce bout du monde irréversible : une grande ferme délabrée, vestige kolkhozien que hante un petit peuple bouleversant. Fuyards, survivants, asociaux : il y a là une douzaine de personnages sans pedigree qui vivent en dehors du temps et