Longtemps, l'historien français du cinéma n'a retenu que les huées qui couvrirent, en 1928, la projection de la Coquille et le Clergyman. Et quelques volutes formalistes. Vue d'ici, Germaine Dulac (1882-1942) n'est pas exactement une coupure épistémologique dans la généalogie toujours masculine du cinéma moderne. C'est un nom dans le dictionnaire des cinéastes, dont on ne voit jamais les films, et c'est même moins qu'un nom, puisque le sien n'allait jamais sans être automatiquement marié à celui de Dulac son époux, Delluc son tuteur, Artaud son «scénariste», etc. Ou rangé successivement dans le fond du tiroir de l'impressionnisme filmé, du formalisme et du surréalisme au cinéma. Bref un curriculum vitae de merde.
Vingt-deux films, fictions, «disques filmés», documentaires, plus deux tables rondes, plus un colloque, devraient ravauder le déficit d'images de Germaine Dulac. Tami Williams, jeune Ecossaise-Américaine francophone et thésarde (elle a lu les 2 000 lettres de la correspondance), a organisé l'affaire et, surtout, elle a fait grandement avancer la recherche, en inversant le point de vue : «Le thème central de tous ses films, c'est le rôle des femmes, mais pas seulement : il y a aussi l'idée de créer un espace où le spectateur peut réfléchir librement à sa propre identité. Germaine Dulac a trouvé les stratégies narratives, génériques, esthétiques qui lui permettent d'exprimer, par ce qu'elle appelle la "suggestion" contenue dans le médium cinématographique, les idées pr