D'apparence, c'est un garçon sans âge. Dans la voix, c'est autre chose: enthousiasme soudain tempéré par des doutes, esprit critique opérant quelle que soit l'occasion, Jia Zhang-ke, 35 ans, quatre films, est le jeune empereur cinéaste de la Chine mutante. Et The World son parc d'attractions-répulsion. C'est quoi un homme moderne? Un téléphone qui marche, une liaison qui merde, des sentiments qui divaguent, un cinéaste qui parle. De nous, par exemple.
L'origine du World. «Je voulais filmer des "migrants flottants", ces personnes venues de province, déplacées vers la capitale. A partir de 2000, avec l'organisation des Jeux olympiques, l'accélération de l'urbanisme, Pékin a assisté à un flux continu de gens venus des provinces chercher du travail. Moi-même, je suis de Shanxi, une province du Centre-Nord. L'idée du parc est venue peu après le tournage de mon précédent film, Plaisirs inconnus. L'actrice principale m'a raconté qu'elle avait passé un an à travailler comme danseuse dans un parc d'attraction à Shenzhen (sud de la Chine). J'ai alors revisité le "parc du monde" de Pékin, où j'avais été une fois il y a dix ans: j'y ai trouvé une allégorie de la société chinoise.
Le parc. «Le World Park de Pékin m'intéressait comme microcosme. On peut aller, métaphoriquement, d'une ville à l'autre sans visa. Le monde devient un espace d'utopie. J'y voyais directement le message de la Chine actuelle, sa démonstration d'une indestructible modernité technologique. Mais cette modernité matéri