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Libération
Critique

John Waters, point trop nympho

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L'électron libre repart à l'assaut du puritanisme américain avec «A Dirty Shame».
publié le 8 juin 2005 à 2h32

Dans son douzième film, et alors qu'il va sur ses 60 ans, John Waters creuse toujours le même filon, celui des obsessions de l'Amérique, qu'elles soient sexuelles ou de mauvais goût. Il met à nu ce que les frustrations puritaines voudraient tant cacher, réprimer, charge son film de sexe, trash et vulgarité. Avec une certaine grâce, si ce n'est toujours une vraie légèreté et fantaisie. Puisque Waters va constamment à fond les manettes sans trop se charger de subtilité, accordons-lui le privilège de la candeur : sa perversité est toute de naïveté et d'enluminure, visant à composer, autour de l'obsession du sexe et de la nymphomanie, une série de vignettes imagées d'une drôlerie certaine.

L'emblème de cette vigueur primitive reconquise par John Waters est, dans A Dirty Shame, l'usage fréquent, inventif et hilarant des stock shots, ces images toutes faites tournées par les assistants pour les films et actualités filmées des studios hollywoodiens des années 50. Waters prélève dans ces réserves d'images inépuisables, ainsi d'ailleurs que dans sa propre production originelle en 8 ou 16 mm, ces «instantanés du désir» qu'il disperse ici un peu au hasard mais surtout en fonction des visions érotiques qui viennent à ses personnages. Montage souvent surréaliste, collage aléatoire mais révélateur, ces instants de A Dirty Shame renvoient à la meilleure tradition du cinéma clandestin américain, notamment au Glen or Glenda d'Ed Wood, auquel le nouveau Waters fait plusieurs fois explicitement