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Libération
Portrait

L'amour du plus simple appareil

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Laurent Mannoni, archéologue du cinéma, en charge des appareils de la Cinémathèque.
publié le 22 juin 2005 à 2h42

Il est «transpercé par l'art muet» à l'âge de 8 ans. Les Niebelungen de Fritz Lang l'éblouissent. La cinéphilie est un virus qui s'attrape tôt. En culotte courte, c'est idéal. Laurent Mannoni fréquenta la Cinémathèque avant les surboums et tomba sur une grande dame : l'historienne et critique de cinéma Lotte Eisner, figure et influence majeure du cinéma allemand des années 20, qui trouva refuge à Paris et à la Cinémathèque auprès d'Henri Langlois après avoir quitté l'Allemagne en 1933. Pendant l'Occupation, elle se cacha dans les caves du château de Figeac (Lot) avec une partie des archives de la Cinémathèque et des centaines de films qu'elle sauva ainsi des pattes allemandes (la cinémathèque possédait notamment les seules copies existantes du Loulou de Pabst).

Le modèle Langlois. La dame n'a alors pas loin de 75 ans et invite l'adolescent chez elle les samedis après-midi. «Je préparais son thé. Dans sa cuisine, il y avait une lanterne magique du XVIIe. Elle m'a tout appris sur le cinéma. C'était comme parler à Fritz Lang ou à Louise Brooks, elle les connaissait tous. Beaucoup de gens passaient chez elle, j'y ai croisé Werner Herzog. Elle avait une vision idolâtre de Langlois. Pour elle, c'était un saint. Voilà comment je suis devenu archéologue du cinéma.»

Voilà pourquoi il se retrouve aujourd'hui au dix-septième étage de la tour du Temps, aile nord-ouest de la Bibliothèque nationale, coincé entre des kilomètres de rayonnages supportant des centaines de boîtes longitudinales,