Parfois, elle rêve qu'elle survole les clochetons dorés et boursouflés des églises russes. Ou qu'elle enfourche un vélo, décolle dans l'allégresse et, bientôt, se découvre Lance Armstrong pédalant au-dessus des blés et des bois. Sinon, elle se verrait bien en conquérante du ciel à la Mary Poppins, parapluie en étendard, ou accrochée au cou des chevaux de bois échappés du manège.
Quand elle avait 3 ans et demi, Isabelle Carré pensait qu'elle savait voler, et s'est jetée par la fenêtre. Fémur brisé, parents interloqués, conviction inentamée. Quand c'était dimanche et qu'elle était gamine, souvent elle allait en famille à Roissy, voir les Boeing décoller. Son frère, son aîné et son double, «né un an et un jour» avant elle, voulait être aviateur. Il est musicien, il pilote le groupe pop Lilicub. Elle est actrice, théâtre et cinéma. De la douceur, de la lumière, de la fantaisie, jamais de grands airs, ni de bêtes manières. Dans son dernier film, une bizarre féerie pour enfants, elle partage la vedette avec un petit avion blanc, mystérieux et violent, tout son contraire. Question locomotion, la demoiselle reste souvent à quai et s'évade par d'autres biais. Elle n'a pas le permis, ne conduit que dans ses films. Elle dit : «Ce n'est pas mon truc du tout. Souvent, je m'absente. J'ai très peur de moi au volant.» Elle ajoute : «Devant ce qui est trop concret, mon cerveau devient mou et n'imprime plus rien.»
Elle est en avance, et d'une prévenance parfaite. Elle est sagement assise devant