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Libération
Critique

Et «Deep Throat» passa du cul au culte.

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Retour sur le phénomène de société qu'a constitué le film de Gérard Damiano, sorti en 1972.
publié le 27 juillet 2005 à 3h06

C'est le pouvoir de la langue que de posséder un tour d'avance. Ainsi, du profit à tirer d'une chose, on dira qu'il est juteux. Juteux, Deep Throat (Gorge profonde) le fut. Quand il sortit en 1972, le film, une pauvre chose excitée qui avait coûté 25 000 dollars, dont 250 à peine accordés à chaque acteur, suscitera un tel raz de marée que ses chiffres exacts, s'ils pouvaient se trouver quel-que part ailleurs qu'entre les mains du milieu, devraient se situer entre ceux de Titanic et d'Autant en emporte le vent.

Gérard Damiano, son réalisateur, pouvait se pincer d'avoir réussi le coup du siècle en proposant à notre imaginaire une créature qui aurait un clitoris au fond de la gorge et prendrait son pied en avalant. Il faudra une armée de sociologues pour comprendre un jour toutes les procédures neuronales qui firent que chacun trouva, en pleine débandade contre-culturelle, Gorge profonde à son goût.

Flot de «people». Le fait est que la queue devant les cinémas grossira, irriguant au passage un flot de people allant de Norman Mailer à Jackie kennedy en passant par Gore Vidal, tous venus voir la chose. Laquelle Linda Lovelace passa un temps pour un parangon de libération sexuelle, puis ravala cette image, des années plus tard, disant avoir tourné le film sous la contrainte, expliquant à chaque personne qui avait joui devant le film que c'était devant le spectacle d'un viol ! Mais au même moment, Gorge profonde devenait le nom de code qui allait faire trembler la politique américain