La rivalité ancienne et polie des festivals de Cannes et de Venise a quelque chose de gémellaire, leurs évolutions conjointes dans le temps et comparables dans l'histoire-géographie leur ayant si bien attaché l'habitude de se mesurer au miroir l'un de l'autre qu'ils se ressemblent encore un peu, plus frères qu'ennemis. Leur plus net trait commun, c'est le goût qu'ils affichent pour le cinéma moderne, d'auteur et indépendant. Sur ce terrain, c'est Cannes qui a rattrapé Venise. Bien avant la Croisette, le Lido a été le premier podium mondial où les cinéastes accédaient au statut d'artistes. Explicitement baptisé Mostra (exposition ou, plus cadavre exquis, «monstration») d'art cinématographique, le Festival de Venise a le premier répondu aux nécessités de cette évolution tout en inventant des critères auxquels celui de Cannes, longtemps pompeux et pompier, s'est progressivement adapté... Jusqu'à détenir le sceptre de ce qui est devenu le cinéma high art, tout en s'imposant mondialement comme l'incontestable temple du marché. La Mostra 2005 a prouvé qu'elle pouvait continuer, avec les moyens de l'époque, à jouer un rôle de «poivre au cul», selon une formule appréciée de Marcello Mastroianni : Miyazaki, qui reçut à Venise un Lion d'or, n'a jamais eu honneurs du plus grand festival du monde.
Le Marché du film, sa réussite technique et professionnelle, c'est ce qui permet à Cannes de réunir en un seul coup le milieu, très épars et divers, du cinéma. Même s'ils peuvent toujours tente