«J'ai eu la chance de durer»
Alain Cavalier, 74 ans (il en paraît quinze de moins) a apporté quelques photos de son fonds privé et les commente pour nous. Il est venu (et reparti) par le métro qu'il avait pris trente-sept ans plus tôt avec mademoiselle Deneuve pour venir manifester sur cette même place de la République en pleine agitation mai 68. «Entre 1962 et 1968, j'ai tourné quatre films, ce que j'appelle mon "argentic story". J'étais jeune, les comédiens étaient beaux, il y avait de l'argent et des spectateurs. Le cinéma était en un sens à son maximum. A la mort de ma seconde femme (la comédienne Irène Tunc, tuée dans un accident de voiture en 1972, ndlr), j'ai rompu les amarres, pris la fuite, j'ai tout cassé, et ça m'a fait beaucoup de bien. J'ai commencé à regarder et à filmer ce que je voyais et entendais. J'ai eu la chance de durer, de ne pas être foudroyé trop tôt. La chance de vivre longtemps et ma rencontre avec le numérique, ces deux choses-là sont sacrées.»
Françoise dans «la Rencontre», 1996
«Je ne peux pas filmer quelque chose ou quelqu'un qui ne répond pas d'une manière ou d'une autre à mon désir. Le cinéma a toujours caché la vérité. Je filme tout le temps. Je voulais que le Filmeur dure six heures, qu'on le projette dans une salle dont je tienne la caisse, les gens pourraient entrer et sortir à leur guise. Ma mémoire hors de ce que j'ai filmé est très vague, les visages sont flous, les paroles incertaines, le numérique m'offre une mémoire plus solide que tou