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Libération
Critique

Nouveau film du cinéaste solitaire, dix ans de journal vidéo.

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publié le 21 septembre 2005 à 3h46

Il est là, face à nous, le visage d'Alain Cavalier. Ce visage tuméfié, l'arcade du nez déformée par la cicatrice et les points de suture, passant par les couleurs les plus terribles que la nature peut inventer pour marquer la face de l'homme du sceau de la peur. C'est un cancer de la peau, opéré à trois reprises en ces dix années durant lesquelles le cinéaste a enregistré sa vie avec sa caméra, comme un journal intime. Ainsi, pour la première fois, il filme son visage, puisque dans les deux films-«je»précédents, Ce répondeur ne prend pas de messages en 1978, après la mort accidentelle de sa femme, il avait ce visage couvert de bande Velpeau, et que dans la Rencontre, en 1996, on ne voyait parfois que ses mains ou ses pieds.

Le Filmeur a été fabriqué à partir de dix ans de journal vidéo, plus de 750 cassettes conservées, où «chaque plan sélectionné et monté accompagne le cours de la vie». Cavalier se promène beaucoup avec sa caméra, il enregistre sans cesse : les voyages en province, l'intimité avec sa compagne Françoise, le vieillissement de sa mère, la mort de son père... Peu à peu, on comprend le principe de construction : une ligne chronologique, horizontale, qui tient de l'honnêteté. Mais il y a aussi une ligne verticale, scandée par des figures revenantes, la mère, le père, la maladie, les oiseaux, le corps d'une femme... Le film trace un trajet intime et ne cesse en même temps de digresser d'un sujet à l'autre, mais avec un lien essentiel : la voix de Cavalier, intellig