Déjà s'envole la fleur maigre, c'était il y a dix ans, la découverte d'un film tourné en 1959 mais que la Belgique cachait jalousement au reste du monde, à moins que ça ne soit le contraire, qu'il nous ait fallu à nous, le reste du monde, trente-cinq années pour ne plus être aveugle devant autant de liberté poétique : la Fleur... sonnait italien (entendre : néoréaliste), mais avait le théâtre pour passion souterraine, et savait ce que ça voulait dire de placer des personnages à l'avant-plan. Le film inventait sa place, au fur et à mesure, à coups de noir et blanc poussière, des nuits trop noires, encrées à la suie des mines du Borinage, et d'une lueur du jour éblouissante. Derrière ce diamant brut, un homme, Paul Meyer, à qui le festival Résonances rend hommage, l'invitant toute la journée de samedi comme grand témoin d'une sélection de films politiques estampillés 2005.
A quoi peut ressembler celui dont le cinéma ne ressemble à personne ?
Au téléphone, l'homme avait prévenu : d'aspect plutôt chauve, de taille petite. Mais vêtu d'un 3/4 de cuir beige, il fait facilement vingt ans de moins que son âge, 85 ans. Au volant d'une Lancia verte, accompagnée de son amie et coscénariste, il propose un restaurant vietnamien, choisit le coin fumeur, s'entend sur un vin blanc. Ce qui frappe, plus encore que sa jeunesse maintenue, c'est l'exigence de sa pensée. Cette morale libertaire forcenée. On se souviendra qu'il n'a jamais eu d'autre sujet que les «transplantés». Voici une vie, libre