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Libération
Critique

Langes déchus.

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publié le 19 octobre 2005 à 4h08

Le 31 décembre 1996, dans son carnet de notes à la préparation de Rosetta, film qui décrocha à Cannes la palme d'or, Luc Dardenne songe à affubler l'adolescente d'une douleur, d'un mal physique : «Elle déteste le vent.» Etrange allergie qui, maintenant que la publication de ces notes accompagne la sortie de l'Enfant, seconde palme d'or, nous frappe avec insistance. Pourquoi ? Parce que le héros de l'Enfant, Bruno, qui est à la fois le père de l'enfant autant qu'il pourrait être le frère jumeau de Rosetta, et qui se révèle aussi être un véritable fils de putain autant qu'un gamin irresponsable jusqu'à la folie, Bruno donc, dans ses déplacements, dans son incapacité à être autrement qu'en mouvement, est une incarnation du vent, une tornade.

Seul avec le GSM. Bruno (Jérémie Rénier, que les Dardenne révélèrent dans la Promesse), qui ne fait que passer, qui ne tient pas à laisser une quelconque trace, encore moins une descendance, est quelqu'un de seul, qui sauvegarde sa liberté en zigzaguant entre une copine qui vient d'accoucher de lui, des clients (pour qui il refourgue des trucs tombés du camion, des bricoles chourées) et des compagnons de business âgés de douze ou treize ans (il doit en avoir dix de plus) : c'est vous dire s'il est seul. Seul, mais arrimé : d'abord à un téléphone GSM (tout le temps) qui lui permet d'être en affaire (tout le temps) sans avoir à s'arrêter (jamais) ; puis à un scooter (dans la partie tragique du film) et, entre-temps, à un landau, celui de son f