Menu
Libération

Les «mal vus»

Article réservé aux abonnés
publié le 9 novembre 2005 à 4h29

Mille souffrances alimentent les nuits insurrectionnelles de ce brûlant novembre, des souffrances sociales et économiques que la société civile et politique de ce pays est absolument condamnée à entendre. Mais aussi une souffrance particulière qui, depuis quelques jours, vient hanter la conscience des médias : les habitants des quartiers en difficulté en ont marre d'être «mal vus», ils ne supportent plus la «mauvaise image» que donnent d'eux les journalistes, c'est-à-dire, essentiellement, les reportages diffusés par leur média de référence à eux, la télévision.

Pour être «mal vu» il faut être mal filmé, et pour être mal filmé, il faut être mal aimé. Parce qu'ils se sentent à bon droit regardés de travers, les habitants de ces quartiers ont toutes les raisons de se méfier : ils sont agressés de la même façon par les mots de Sarkozy que par les images de la télé. Les commentaires des journalistes ne disent pas «regardez la racaille» mais leurs images, si. Dans ces quartiers, on peut être très sensibles, voire très chatouilleux, sur tout ce qui touche à la question du regard, vecteur principal d'une valeur ambiguë : le respect. Si tu me regardes mal, tu ne me respectes pas. Parfois même, «respecte-moi» signifie «baisse les yeux, ne me regarde pas». On a le sentiment que les protagonistes en sont là aujourd'hui : d'une part des caméras qui filment presque systématiquement du point de vue de la police, d'autre part des jeunes insurgés qui veulent échapper autant aux matraques qu'