Présenté en compétition officielle à Cannes, Manderlay, suite de Dogville et avant un hypothétique Washington formant pour Von Trier une trilogie américaine, n'a pas vraiment fait de vagues. Le cinéaste danois avait pourtant bien calculé ses effets : cette histoire d'exploitation de coton dans l'Alabama des années 30, où subsiste l'esclavage soixante-dix ans après son abolition, est prétexte à de nombreuses variations rhétoriques sur la démocratie imposée par les armes, la servitude volontaire, les relations interraciales torves, les archétypes collés à la population noire, la naïveté civilisatrice des Blancs, etc. Le film joue, avec un art consommé du sarcasme misanthrope, d'un riche catalogue de clichés en particulier sur les Noirs, tour à tour dénués d'autodiscipline, bien membrés, fourbes, etc.
Von Trier est un provocateur, et un manipulateur, post-moderne, plutôt brillant mais son fond idéologique a toujours été un bouillon bacillaire peu ragoûtant. Le cinéaste n'est jamais très percutant quand les journalistes l'interrogent sur ses intentions. Cette fois, il s'est contenté de banalités sur le «politiquement correct» qu'il chercherait à renverser par sa fable polémique : «On n'échappe pas facilement au "politiquement correct", cette plaie qui n'est en fait qu'une renonciation de l'esprit critique et qui reflète la peur du débat... Moi, je ne trouve rien de plus insultant pour les Noirs qu'une série [24 heures chrono] qui prétend nous faire croire que les Américains ont é