Film interdit à l'époque, film scandaleux ignorant de son propre scandale, film toujours alien tant le parcours de son héroïne (Simone Simonin, incarnée par Anna Karina, muse de ces années-là, cousine en rejet de la condition humaine de la Gertrud de Dreyer) demeure dérangeant : quelque chose dans sa droiture, dans son exigence, la rend inapte à ce monde et la désigne au sacrifice.
Récit de la réclusion au XVIIIe d'une jeune femme contrainte malgré sa volonté d'embrasser l'état religieux (tragédie adaptée de Denis Diderot), ce deuxième film de Rivette demeure énigmatique : la sainteté malgré elle de Simone Simonin viendrait de sa demande inlassable d'une liberté tranquille dans un monde qui, pour avoir enfermé le corps dans le péché, ne connaîtrait que l'excès.
De Rivette, l'esprit du spectateur d'aujourd'hui retient surtout l'aptitude à faire danser ses films comme des comédies musicales alors qu'ils n'en sont pas, ce qui crée un décalage tout à fait singulier, une contrariété en leur sein qui a peu d'équivalent (comme un bavardage du corps là où, chez Rohmer, c'est la tête qui ne s'arrête jamais). L'esprit du spectateur a également retenu ses errances joueuses, sa gravité qui se retourne comme un gant en légèreté mélancolique, les jeux de l'oie de Haut bas fragile, plus lointainement les promenades comploteuses du Pont du Nord dévoilant un Paris buissonnier, fictif et documentaire. De la Nouvelle Vague, Rivette est le cinéaste funambule, au secret longtemps gardé : c'est par