Chacune des parties du film de Xavier Beauvois est précise, juste, émouvante, chaque fragment brille d'un éclat mat, chaque scène dégage une fermeté insolente. L'ensemble pour autant ressemble à un ciel indécis qui laisse en plan le spectateur sur la question policière. Celle-ci, dans un film qui se pare d'un réalisme farouche (et sans une note de musique), appelle la cohérence d'un discours ou tout du moins d'un sentiment. Or celui-ci se dérobe ; une puissance narrative certaine se combine étrangement à une incertitude sur où Beauvois veut exactement en venir. Le film possède toutefois le privilège paradoxal de montrer que son sujet demeure brûlant : on ne parle pas impunément de ceux qui sont chargés de faire respecter l'ordre public.
Un pouvoir. Antoine Derouère (Jalil Lespert) fondant de fierté dans son nouvel uniforme, le jeune provincial du Havre prenant sa première cuite parisienne entouré de ses nouveaux collègues de la deuxième division de police judiciaire, écoutant l'un d'entre eux (Roschdy Zem), d'origine marocaine, évoquer ses difficiles débuts dans la police, ou encore fumant un pétard ironique avec sa supérieure dans la rue : le regard de Beauvois, qui découvre aux côtés de son héros le quotidien d'une équipe de flics, est bien celui d'un cinéaste, qui parvient à rendre aux choses insignifiantes les apparences de l'exception. Pourquoi un jeune homme s'engage-t-il dans la police aujourd'hui ? Quels schémas a-t-il dans la tête ? Et quelle alchimie comportementale