La légende familiale raconte qu'en 1928, un des frères Mograbi, qui faisait construire un immeuble rue Hertzl, à Tel-Aviv, avait remarqué que les ouvriers se passaient de déjeuner : ils économisaient pour aller au cinéma. ça doit être un bon business, se dit-il. Deux ans plus tard, le cinéma Mograbi ouvrait au coin de la rue Allenby, c'était le premier cinéma parlant de Palestine.
Prison. En septembre 2005, Avi Mograbi, le fils de l'homme qui a dirigé le plus célèbre cinéma de Tel-Aviv, se trouve à Beit Sahour, localité voisine de Bethléem, pour une autre première : la projection d'un de ses films en Cisjordanie. Dans la salle de réunion du Centre d'information alternative, une vingtaine de personnes : des étrangers, membres d'ONG basées en Cisjordanie, et quelques Palestiniens. Le film, Pour un seul de mes deux yeux, est en hébreu, sous-titré en anglais. Après la projection, le réalisateur répond aux questions des étrangers, pleins de bons sentiments : «Vous pensez que la société israélienne va un jour réaliser ce qu'elle fait ?», «Pourquoi les Israéliens veulent-ils se venger ?» Mograbi réfléchit deux secondes : «Le film est trompeur s'il laisse penser que la société israélienne est portée sur la vengeance. Mais c'est une société très anxieuse, qui envisage toujours le pire, ça ne permet pas de vivre normalement.» Une formulation exceptionnellement soft pour un homme en général peu indulgent avec son pays. Il définit sa position comme «celle d'un militant politique qui tent