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Libération
Critique

Bartas, une conquête de l'Est

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Poisseux et alcoolisé, «Seven Invisible Men» signe le retour plein de style de Sharunas Bartas.
publié le 14 décembre 2005 à 4h58

Avec son titre qui évoque aussi bien les Sept Mercenaires de John Sturges que Seven Women de John Ford, Seven Invisible Men est bel et bien un western. Mais un western de l'Est, un eastern, qui ne piste quelques motifs du genre que pour mieux les égarer. Trois hommes et une femme. Un vol de voiture au nord du pays. Une cavale à la diable par certains déserts et plateaux désolés. Le refuge enfin dans une ferme du Sud où bien des comptes vont se régler avec violence.

Stase. Où est-on ? Dans les ruines de l'empire soviétique assurément puisque tout le monde parle russe, boit dur un méchant tord-boyaux et fume sec de mauvaises cigarettes. Peut-être en Lituanie au début, sans doute en Crimée sur le tard. Mais ces repères géographiques et ces références instruites n'ont aucune sorte d'importance. Sharunas Bartas invente comme il filme, une abstraction. Où sommes-nous alors ? Dans les limbes, au pays du cinéma, merveilleux et inquiétant. Peuplé de fantômes alcoolisés, de brutes sentimentales, de femmes mélancoliques et d'enfants sauvages. Où va-t-on ainsi ? «Tout droit !» comme répond le chef de bande quand un acolyte lui pose la question. Tout droit veut dire nulle part, sur place, en rond. Pour filmer cette stase, Bartas alterne plans très rapprochés des corps (visages, mains, regards) et plans très larges des paysages. Entre les deux, des plans dits moyens, où l'action a lieu, où l'on se parle.

A quoi rime ce style ? A la rime précisément. Car Seven Invisible Men est un poème, une