Il est troublant et à la fois pas innocent qu'à l'origine de Delwende, seul film africain (from le Burkina Faso) présenté à Cannes cette année, il y ait un documentaire. C'est pour poursuivre une enquête sur les «mangeuses d'âme» (autrement dit les sorcières) qu'il avait menée pour l'émission Envoyé spécial que Pierre Yaméogo s'est plongé dans une fiction sur une fille violée que les hommes de son village tiennent pour responsable de la mort d'un enfant. Priorité au réel, à l'actualité, au message, le film a trop de chats à fouetter pour se laisser aller au seul plaisir esthétique de la mise en scène comme c'est souvent le cas dans les cinématographies où ne peut se monter qu'un film par an, et encore les bonnes années.
On peut donc être redevable à Yaméogo (dont c'est la sixième réalisation) de ne pas céder à la seule tentation journalistique : il y a du cinéma dans Delwende, pas mal de choses à vif, des moments absurdes proches de Jarry et des moments de colère (contre les maris, les pères, contre tous ceux qui évitent de prononcer le mot pandémie). Mais le paradoxe, au fond pas si gênant, c'est que cette fiction-là trouve toute son importance au moment précis le dernier quart d'heure du film où elle rejoint le documentaire.
Pougbila, l'héroïne ostracisée, part à la recherche de sa mère dans l'enceinte profonde de Ouagadougou. Il y a, parquées dans des hangars innommables, des centaines de femmes considérées comme des sorcières, des jeunes, des vieilles, que les villag