Ce film est une énigme. Tombé en silence, en plein Festival de Cannes (il était à la Quinzaine), c'est l'ovni dans toutes ses fonctions: il ne ressemble pas, il échappe, on ne comprend le message qu'en partie. Son étrangeté tout en beauté le rallie instantanément à l'idée qu'on se fait du cinéma japonais: philosophie écologique moussant à même l'écorce de l'arbre, conviction de la supériorité magique de la nature sur l'homme, et tout cela qui semble ne plus exister qu'en Afrique et en Asie.
Brocéliande ensevelie. Il y a sept ans, Charisma, de Kiyochi Kurosawa, dynamitait un tronc d'arbre millénaire avant d'abandonner la Terre à l'apocalypse: allez filmer une forêt après ça ! Oguri Kohei, auteur largement ignoré du cinéma japonais, tente l'histoire d'un village où les gens sont otages de leur propre imagination. Un endroit rongé par la rêverie, habité par des filles qui se racontent des histoires qui n'en finissent pas, et qui se réinventent à chaque reprise en main. Et où un jour, en guise de pot aux roses, remonte une forêt, gisant six pieds sous terre, endormie, endormante, ancienne de 3800 ans Brocéliande ensevelie qui diffusait depuis en dessous une bizarrerie supernaturaliste nervalienne. Est-ce seulement possible: oublier une forêt ?
Au risque de se contredire, admettons tout de suite: ce film «spécifiquement japonais» aurait pu être tourné n'importe où. Conte africain en boubou, jeu oulipien moderne façon Italo Calvino période Si par une nuit d'hiver un voyageur (je c