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Libération
Critique

Le beau et le lait

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publié le 4 janvier 2006 à 19h59

Le «Secteur 545» désigne dans le pays de Caux (Haute-Normandie) une zone d'activité agricole et d'élevage où Pierre Creton a travaillé en qualité de peseur au contrôle laitier, pendant cinq ans. Le secteur regroupe une vingtaine de fermes où il avait pour mission de se rendre tous les mois afin de pratiquer un échantillonnage de lait sur chaque vache au moment des traites du matin et du soir, échantillon qui partait ensuite à l'analyse, en vue de déterminer précisément la qualité du breuvage et de mesurer, bête par bête, une sorte de cote de production. C'est un boulot technique et qui met le peseur en relation étroite aussi bien avec les fermiers qu'avec leurs animaux.

Du fumier à Pessoa

Pierre Creton s'est mis à se filmer au travail, posant sa caméra vidéo avant de s'activer à sa tâche laitière dans le bruit des trayeuses assoiffées. Puis, à force, il a eu envie d'interroger les éleveurs sur un point philosophique préoccupant : entre l'homme et l'animal, quelle différence fondamentale faites-vous ? Secteur 545 est à la fois la description d'un labeur quotidien dans le fumier et l'herbe grasse, une évocation d'une portion de campagne française investie par la même mélancolie lointaine que celle qui traverse le pays perdu de Murat, et une série de portraits d'exploitants agricoles. A cette dimension documentaire viennent se mêler des séquences explicitement mises en scènes avec Jean-François Plouard, l'homme qui embauché Pierre Creton, et qui devient dès l'ouverture du film un