Des affiches gigantesques (et belles) d'un film sri-lankais, la Terre abandonnée, dans le métro parisien à des emplacements et à la taille d'habitude réservés aux seules grosses productions françaises ou américaines, ce n'est pas une erreur de hiérarchie écono-mique mais les retombées concrètes du prix de la caméra d'or à Cannes, doté d'une aide à la distribution et attribué par le président du jury Abbas Kiarostami au jeune cinéaste Vimukhti Jayasundara. Né dans le sud de l'île en 1977, Jayasundara a étudié en France, au Studio national d'arts contemporains du Fresnoy, et a été résident de la Cinéfondation du Festival de Cannes en 2003 à Paris. Il est d'ailleurs toujours en France, la sortie du film au Sri Lanka ayant été émaillée d'incidents et de menaces. Le National Film Corporation sri-lankais l'a déprogrammé en octobre, sans donner de raison, des quelques salles qui le projetaient depuis deux semaines. Il semblerait que cette décision ait été le contrecoup d'une tribune ulcérée d'un militaire dans le journal The Island, estimant que ce film salissait l'image de l'armée et incitait au terrorisme. D'autres cinéastes sri lankais ont été victimes d'attaques similaires, notamment parce qu'ils sont cofinancés par de l'argent étranger et qu'ils passent, en général, pour des traîtres à leur patrie, et, en particulier, pour des défenseurs implicites des Tigres tamouls indépendantistes. Jayasundara, ne s'estimant plus en sécurité, a préféré quitter provisoirement son pays.
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