Menu
Libération
Interview

«Je suis incapable de vous expliquer ce qui s'est passé».

Article réservé aux abonnés
publié le 8 février 2006 à 20h17

Dans une chambre d'un hôtel étouffant non loin de la gare Saint-Lazare, un garçon brun et une fille blonde (couple parfait) font ce qu'ils croient bon de faire : se séparer, parler d'eux à l'imparfait. Quand la caméra qui les regarde ne croit, elle, qu'au présent, saisissant bien qu'en dessous des mots quelque chose de leur couple tient toujours, fait encore présence. Nobohiro Suwa filme avec une conscience absolue du temps, de comment il travaille contre toute psychologie, contre les mots, le théâtre, la raison scénaristique.

Un couple parfait n'est pas seulement un fantasme de film français né à travers son imagination cinéphile. Il est aussi une démonstration ahurissante de force. Suwa qui, au tournage, dirige très peu, observe le temps agir en silence, travaille posté : son idée, c'est de faire que les choses se fatiguent d'elles-mêmes, puisque rien, et surtout pas la psychologie, ne doit les détourner du cours qu'il a décidé de leur donner.

Par ailleurs, Nobohiro Suwa n'est pas un cinéaste japonais, et si jamais il nous est arrivé de vous dire cela, répétons-le : c'était faux. Il est de cette petite fraction de cinéastes circulant dans les lignes intérieures du cinéma, qui voyagent d'île en île, s'inventant des itinéraires abracadabrants, des parcours intimes, des guerres invisibles et sans violence ­ sinon la plus douloureuse, celle des sentiments amoureux. Après avoir déplacé un film français à Hiroshima (H Story), il a eu envie d'aller voir dans une ville connue sous l