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Libération
Critique

L'ombre des doutes

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Dans «Guernesey», de minuscules détails font basculer une vie.
publié le 8 février 2006 à 20h17

Repéré à la dernière Quinzaine des réalisateurs cannoise, le deuxième film de la jeune cinéaste néerlandaise Nanouk Leopold est un objet aussi curieux qu'élégant. La cinéaste marque surtout les esprits par sa manière de camper son histoire et ses personnages, avec une distance qui ne laisse passer que de petits faits a priori anodins, avec une froideur clinique, géométrique, architecturale, à l'hypermaîtrise constante, avec une conception du montage qui lui permet de croiser les intrigues et les êtres de façon à la fois virtuose et mystérieuse. Cette texture et cette humeur de cinéma ne conviennent qu'aux personnages taciturnes, et ceux de Guernesey le sont à foison. Ils sont beaux, bien habillés, habitent dans des demeures de bon goût international, mangent bio, aiment sortir, avoir de petites aventures mais pas trop, adorent leurs enfants, et travaillent si possible en relation avec des ONG internationales.

Suicide. Mais ils sont taciturnes, car le monde ne va pas bien, et leur univers peut vaciller d'un moment à l'autre. C'est le cas d'Anna, et de son mari Sébastien, couple de trentenaires avec un enfant, vivant vers Rotterdam. La plus grande fissure vient d'elle, spécialiste des systèmes d'irrigation pour pays en voie de développement. Elle découvre un matin de mission une collègue pendue dans sa salle de bains. Elle ne dit rien de cette épreuve à ses proches, mais tout son monde bascule dans le doute : quand elle rentre chez elle, elle se met à regarder vraiment son ento