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Libération

Mes dates clés, par Lâm Lê

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publié le 8 février 2006 à 20h17

" 1954. Pourquoi nous jette-t-on des pierres et nous traite-t-on de viêt gian (traître en vietnamien) sur la route de Hanoi à l'aéroport Gia Lâm (1) ? Je suis perdu dans le GMC (2) du convoi que l'armée française a organisé pour évacuer vers le Vietnam du Sud ceux qui refusent le régime communiste après Diên Biên Phu. Je n'ai que 4 ans et les pierres ne me font pas mal.

1956. Resté seul à la maison, au lieu de finir mes devoirs, je préfère copier Hergé, Jo et Zette en Inde, je crois, car l'éléphant que j'ai dessiné est aussi beau que l'original. Tellement beau que je ne vois pas venir la gifle que mon père donne en traître dans mon dos. Cette gifle, qui m'a fait voir de vraies étoiles, m'a décidé à devenir artiste plus tard.

1963. Je vois de mes yeux l'immolation du bonze qui proteste contre le dictateur Ngô Dinh Diêm, le pantin des Etats-Unis. C'est au coin de ma rue, dans le IIIe arrondissement à Saigon. Première manifestation lycéenne. Premier coup d'Etat. Premier éveil à la conscience politique.

1968. Le peuple de Paris dans la rue. Classes prépa au lycée Saint-Louis à un jet de pavé de la Sorbonne. Pas de métro. Avec Louis-le-Grand et Henri-IV, convoi en camions militaires pour aller passer le concours de Polytechnique au fort de Vincennes. La honte tout le long du parcours où les futures élites de la France se font violemment conspuer. Sacré rendez-vous de mai. Cette fois, les insultes me font plus mal que les pierres en 1954.

1972. Orlando Furioso mis en scène par Luca Ro