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Libération

L'affaire Elf entre les lignes

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Chabrol a changé les noms et le contexte, mais l'essentiel est là.
publié le 22 février 2006 à 20h25

Le PDG se fait cravater à la sortie du bureau. Secoué comme un prunier, il est conduit directement à la prison de la Santé. Il s'apprêtait à passer un week-end de rêve avec sa maîtresse, il doit baisser son pantalon devant les flics et les matons. Embastillé, sans garde à vue, sans visite d'avocat ni même mise en examen : c'est l'image de la justice saisie par l'ivresse du pouvoir. Expéditive. Fantasmée. Heureusement fantasmée. Le lendemain, après avoir joué au chat et à la souris avec le PDG lors d'un simulacre d'interrogatoire, la juge donne le dossier à l'avocat et rentre tranquillement chez elle savourer son plaisir. Des patrons en prison, des juges qui prennent leur pied. C'est le souvenir qu'on gardera peut-être de l'actualité politique des années 90. Avec cette certitude que les vrais dépositaires du pouvoir ­ fumeurs de cigares dans le film, un temps embarrassés, n'ont pas été détrônés.

Les vrais acteurs de l'affaire Elf ont plus qu'inspiré le scénario. Humeau, alias Le Floch-Prigent, est constamment tourmenté par son psoriasis. Du haut de sa tour, Sibaud, alias Philippe Jaffré, successeur du premier, tente de séduire et de manipuler la juge. Quant au sénateur à la voix rocailleuse, Descarts, alias Charles Pasqua, il surveille ses réseaux africains. On entrevoit Christine Deviers-Joncour servant un verre de vin à Roland Dumas. Mais l'ivresse est celle de Jeanne Charmant Killman, alias Eva Joly, dans le salon de thé de son cabinet d'instruction.

Admirée par son neveu, p