Si l'on a grandi avec la guerre civile au Liban en invitée chaque soir au JT à la table familiale, on ne peut pas arriver à Beyrouth comme n'importe où ailleurs. C'était il y a déjà plus de dix ans et la ville n'avait pas encore subi son grand lifting. On regarde de tous ses yeux et on ne voit rien : l'aéroport, le passage du Musée, la rue Hamra, l'hôtel Holliday Inn, le Saint-Georges, la colline d'Achrafieh, l'immeuble de l'Unesco et surtout Sabra et Chatila, l'innommable. On ouvre grands les yeux et on ne voit rien parce que les mots sont plus forts. Puis vient le temps des questions : et celui-ci, est-il chiite, sunnite, maronite, palestinien ? Comment le savoir, comment font-ils, eux, pour savoir sans demander ? Et celui-là, a-t-il tué, ou plutôt cet autre-là ? Non, c'est ridicule ! Mais statistiquement, on doit bien croiser au moins un tueur par jour, c'est sûr.
Les crimes font partie du décor, de la règle du jeu. C'est comme pour l'un des cinq assassins interviewés dans Massaker, le documentaire de Monika Borgmann, Lokman Slim et Hermann Theissen sur cinq hommes ayant participé au massacre des massacres de quinze ans de massacres (1975-1990). Sabra et Chatila donc. «Tuer le premier, ça te gêne un peu, le deuxième moins, le troisième moins encore, le quatrième tu commences à t'amuser. Tu en as déjà tué 4 ou 5, alors un de plus, ça ne te fait plus rien.»
Orgie sanguinaire. Jusqu'à présent, seules les victimes de cette épouvantable boucherie avaient témoigné mais personne n